L'euthanasie bientôt légale en France ? "Il faut appeler un chat un chat", selon le Comité d'éthique
Emmanuel Macron refuse catégoriquement de parler d'euthanasie et de suicide assisté dans son projet de loi sur la fin de vie. Pourtant, certaines mesures prévues dans le texte en sont très proches...
Le projet de loi pour la fin de vie ne doit rimer ni avec suicide assisté, ni avec euthanasie. "Les mots ont de l'importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d'ambiguïtés", a insisté Emmanuel Macron auprès de Libération et La Croix dans un entretien paru le 10 mars. Aussi, il a exclu les deux termes du texte en leur préférant l'expression d'"aide à mourir". Mais en voulant éviter toutes "ambiguïtés", le chef de l'Etat ne jouerait-il pas sur les mots en créant de la confusion ?
C'est ce qui est reproché par certains membres du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), dont le professeur et médecin Régis Aubry qui a notamment dirigé le service de soins palliatifs du CHU de Besançon. "Je crois qu'il y a une forme d'euphémisation que je trouve personnellement un peu dangereuse. Je crois qu'il faut appeler un chat un chat", a réagi le professionnel du santé sur franceinfo au lendemain de la publication de l'entretien d'Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron a tenté de tracer une ligne différenciant l'euthanasie et le suicide assisté des mesures prévues pour l'aide à mourir. Pourtant, comparées aux définitions données par le CCNE, les mesures pensées par le projet de loi se rapprochent fortement des actes que le chef de l'Etat refuse de nommer. Pour le locataire de l'Elysée, une euthanasie "désigne le fait de mettre fin aux jours de quelqu'un avec ou même sans son consentement". Mais pour le CCNE le consentement du patient est une obligation pour recourir à l'euthanasie qu'il définie comme un "acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable".
Quant au suicide assisté, cela consiste à laisser le patient s'auto-administrer un produit létal prescrit par le corps médical et sous la surveillance de ce dernier. Le président de la République précise pour sa part que l'aide à mourir implique l'engagement du pronostic vital à cour ou moyen terme et qu'en conséquence "le choix n'est pas entre la vie et la mort puisque la mort est déjà là", à la différence du suicide assisté. Une condition qui n'entre pas en ligne de compte pour le suicide assisté.
Reste que d'après le texte sur la fin de vie, qui sera examiné au Parlement à partir du mois de mai et pourra encore évoluer, un patient ayant reçu un avis favorable pour recevoir l'aide à mourir devra s'administrer lui-même la substance létale, mais pourra confier cette tâche à un tiers de son choix s'il "n'est pas en mesure d'y procéder physiquement". Des situations qui correspondent aux principes de l'euthanasie et du suicide assisté comme définis par le CCNE, avant l'ajout des conditions et interprétations explicitées par le chef de l'Etat.
Une "aide à mourir" pour ne pas braquer les esprits ?
Le refus d'Emmanuel Macron d'évoquer l'euthanasie ou le suicide assisté pourrait surtout s'expliquer par l'imaginaire qui entoure ces deux vocables. Certains corps médicaux, notamment plusieurs organisations se soins palliatifs, sont vivement opposés à l'idée de donner la mort et répètent que procéder à une euthanasie ou assister un suicide "n'est pas un soin", même si c'est une volonté du patient.
A la place de ces mots clivants, Emmanuel Macron mise sur l'expression d'"aide à mourir" qui suggère une idée de solidarité auprès des patients en fin de vie. Il décrit d'ailleurs son texte comme une "loi de fraternité" qui consiste en un "accompagnement global de la société par la solidarité et la fraternité de personnes qui vont mourir [...] et qu'il faut aider jusqu'au bout". En excluant des mots trop chargés pour les remplacer par des notions difficilement attaquables, Emmanuel Macron n'essaie-t-il pas de mettre toutes les chances de son côté pour faire adopter le texte ? Cela n'a en tout cas pas empêcher les opposants à l'euthanasie de dénoncer un texte trop permissif ou aux défenseurs du droit de mourir dans la dignité de décrire un projet de loi n'allant pas suffisamment loin.